Ça se passe le 3 janvier cette année, vers midi.
A ce moment là je vis à la Porte Ouverte à Chalon sur Saône.
Le réfectoire est comme tous les ans fermé une semaine après les fêtes. Les repas ne sont pas servis.
Je suis l’un des rares résidents sur place. Je descends en espérant trouver des restes à manger dans la chambre froide (gros frigo communautaire).
J’ouvre la porte qui se referme sur elle-même pour garder le froid. Quand je veux pousser le bouton à l’intérieur pour sortir, la porte ne s’ouvre pas. J’essaye plusieurs fois mais elle reste fermée.
La lumière s’éteint. Il n’y a pas d’interrupteur à l’intérieur. Une sensation de panique vient me saisir.
Quand je réalise qu’on est jeudi et qu’il se pourrait que personne ne descende avant lundi matin je comprends que je pourrais mourir.
Je crie à l’aide mais la chambre froide est tellement hermétique que personne ne m’entend. Je crie à Jésus. Je frappe constamment avec mon pied sur la porte.
Je décide alors de prendre le risque de briser le câble électrique qui alimente la machine à froid. J’ai très peu de mal à distinguer le câble. A la troisième tentative le câble se brise et je reçois une décharge électrique dans mes mains.
Je suis rassuré que la pièce ne soit plus froide. Malheureusement mon soulagement n’est que de courte durée : s’il n’y a plus d’air froid, ça veut dire qu’il n’y a plus d’air non plus.
C’est à ce moment-là que l’angoisse atteint des sommets. J’ai même peur de m’évanouir.
Je saisi un plateau en aluminium et parviens à faire une toute petite ouverture sur le haut de la porte. Le plateau se tord et me coupe à la main droite. Je saigne mais peu importe tant que je peux appeler à l’aide. Un peu de lumière et d’air passent par cette petite ouverture.
Avec le plateau d’aluminium je frappe sans relâche contre des tuyaux espérant que si quelqu’un se trouve dans les bâtiments au-dessus, il puisse entendre le bruit.
Après une heure, épuisé, je me dis qu’il a maintenant probablement plus de chance de mourir que de m’en sortir.
Au moment où l’attaque de panique atteint son paroxysme, soudainement le Directeur arrive et ouvre la porte.
Je jailli de cette chambre froide comme un fou.
Je viens de vivre l’heure la plus traumatique de toute ma vie.
Quelques jours plus tard j’apprenais qu’aux Etats Unis 3 enfants avaient été trouvés morts dans une chambre froide.
Je crois vraiment que Jésus m’a entendu quand j’ai crié à Lui. ‘ Dans ma détresse, j’ai crié à l’Eternel et Il m’ entendu.’ (Jonas 2 v 3)
Quand j’ai quitté la France quelques semaines plus tard pour retourner au Cambodge je croyais que cette histoire était derrière moi. J’avais encore une légère coupure à la main droite mais je pensais que ce serait bientôt cicatrisé.
Au fil des semaines les douleurs sont devenues de plus en plus intenses et ont commencé à se faire également sentir à la main gauche. J’ai fini par consulter sur Phnom Penh 8 médecins différents.
Quand la souffrance s’est répandue dans les pieds, j’ai compris qu’il me fallait rentrer d’urgence en France où j’ai vu 4 médecins. J’ai fait toute une série d’examens sanguins, aucun d’entre eux n’arrivait à identifier la cause du problème.
L’expérience de la chambre froide 6 mois plus tôt était tellement ensevelie au fond de moi que je n’ai fait aucun lien entre les deux. Puisque les douleurs étaient physiques, on cherchait une cause physique.
Dieu s’est servi d’une amie chrétienne (qui est depuis 9 ans la partenaire de prière de ma Maman) pour essayer de voir une autre explication que la raison ‘physique’ de mon mal. Elle est passée à la maison il y a une dizaine de jours. Soudain dans la conversation le drame de la chambre froide a ressurgit. La cause venait probablement de là.
Deux jours plus tard j’ai dû être conduit la nuit aux Urgences à Lille, tellement je hurlais de douleurs.
J’ai vu un médecin à qui j’ai parlé de l’histoire de la chambre froide. A 2h du matin j’ai vu un psychologue qui m’a parlé d’un Stress Post Traumatique (SPT). Il m’a dit : ‘D’avoir été si proche de la mort ce jour-là est l’un des traumatismes les plus forts qu’il soit.’
C’est mon corps physique qui réagit au choc émotionnel très élevé que j’ai subi.
En janvier, un ami pasteur à qui j’ai raconté le drame m’avait dit: ’Timothée, c’est possible que, lorsque tu retourneras au Cambodge, l’impact de cette terrible expérience te rattrape là-bas. Le contre-coup pourrait être terrible.’ Il avait raison.
De savoir que la source des douleurs est psychosomatique est quelque part une bonne chose.
Hier, je me suis rendu pour mon premier rendez-vous au Centre Médical (que l’on peut apercevoir du bout de notre jardin).
Je sais que je ne retournerai plus au Cambodge. La porte est définitivement fermée. J’ai atterri à Phnom Penh à l’âge de 26 ans. Je reviens pour de bon à 46 ans. Dieu a de nouveaux horizons de service pour moi.
Merci de continuer à prier.
Timothée, Wattrelos, France